lundi 21 février 2011

DOMINATION/ DANI UMPI

                                                                 Traduction Simon Perilhou 



C'est parce que le chewing-gum à la menthe, artificiel, élastique, intense et bon marché, éclate mieux dans sa bouche que dans celle de n’importe qui. Pour cette raison qu'en voyant cette bulle gonfler si rapidement, j’ai envie d’un chewing-gum comme le sien, d’une bouche comme la sienne, en moi et pour moi. Lui, tout entier, pour moi. Il doit y avoir un truc, quelque chose de pensé, de travaillé. Il n'est pas mannequin par hasard. Je regarde sa bouche et je pense à son dos, à ses jambes et au reste de son corps. Je l’imagine par petits bouts, une pensée après l’autre, comme dans une danse effrénée[1]. Tous les morceaux que j’ai vus ou imaginés. Le dos, les jambes… je me les remémore rapidement, par petites lampées. Deux secondes me suffisent pour imaginer son corps nu, décoloré. La peau de la même pâleur que ses cheveux, du même ton, une couleur presque blanche, toujours blanche, mais pas tout le temps. A certains moments la peau devient rouge, de colère ou de honte, et on peut alors voir où commencent les cheveux, les distinguer. Comment une personne aussi pâle peut-elle me plaire ?

J’imagine sa peau qui se déchire, se rompt et j’aimerais lui faire tant de choses. Une petite poupée. Elle ne résisterait pas, ne resterait pas ferme, blanche, elle éclaterait comme une bulle, comme un chewing-gum, si j'arrivais à l’enlacer avec toute la force que je voudrais. Il fait éclater la bulle de chewing-gum dans sa bouche avec une assurance et une conviction qui me fait battre le cœur plus vite, me donne chaud, me fait rougir, et lui se rend compte que quelque chose m’arrive ; quelque chose m’arrive car il se tient devant moi face aux lumières de la rue qui, derrière les fenêtres fermées, illuminent sa peau à travers le carreau sali. Les traces de crasse dessinent des tâches de rousseur, mais c’est un simple effet d’optique car il est d’un blanc pur, comme la neige. Il prépare alors une nouvelle bulle, plus grande encore, qui éclate avec force, mais d’un vert moins profond que les précédentes, d’un vert pareil à la couleur de ses yeux. Les yeux, la bulle, de la même couleur. La peau et les cheveux aussi. La tête me tourne. Les yeux, verts, émeraudes qui me regardent sans ciller, me voient chanceler devant tant de beauté et, toujours verts, soutiennent mon propre regard, aller et retour. Mais mes paupières à moi sont fermées, parce que je rougis. Je vais à sa bouche, rouge aussi, ses lèvres se ferment et s’ouvrent. La langue tourne et se retourne. Il lit dans mes pensées et prépare une troisième bulle pour m’impressionner, pour bien me faire comprendre qu’il domine la situation, le temps. Le temps est sien et il l’utilise, il me teste jusqu’à m’user. Voyons, voyons. Voilà une autre bulle. Ça te plaît ? Il rit et moi, qui rougis, je souhaiterais être plus bronzée. Il me demande sans détour si je ne vais pas l’accompagner et, comme une idiote, je lui réponds, timide, que je ne sais pas, sans me rendre compte qu’il ne m’a pas dit où il veut aller, où il veut m’emmener. Cette rencontre me remue, sa peau si pâle, transparente, fantomatique, ses bulles et ses mouvements précis, la langue qui humecte les lèvres, qui cherche des restes de chewing-gum. D'ailleurs, ce n'est pas encore l'été, bien entendu. J'imagine que ses mouvements ont peut-être été pensés à l’avance et ça me plaît beaucoup. Je vois d'autres choses. Son t-shirt bleu au col abimé et son cou mal rasé, avec des poils de la même couleur que la peau, timides. Pourvu qu’il ne soit pas imberbe, même si je m’en moque. Tout son être me défie. Vais-je y aller ou non ? Bien sûr que je vais y aller. Il le sait déjà, mais il me le demande encore une fois et comme je ne réponds rien il ajoute “allons-y”. Il m’ouvre la porte et attend que je finisse d’enrouler mon écharpe kilométrique pendant que le froid de la rue à minuit entre dans la pièce. Quand, arrivée chez lui, je l’enlève, je sens encore le froid du dehors mais je fais comme si j’étais super à l’aise et termine d’un trait mon verre de vin. Je le laisse trainer dans un coin.

Il semble que depuis quelques mois il y a une nouvelle fonction sur Facebook qui te permet de savoir qui vient sur ton profil et combien de fois. Avec quelques clics on peut créer une sorte de classement des personnes qui te rendent le plus de visites et fouinent dans tes photos, ta vie. C’est un service très pratique et humiliant. Moi, je suis en première position depuis plusieurs semaines. Je suis la personne qui a le plus parcouru son profil. Toutes mes venues ont été comptabilisées, puis converties en uns et en zéros. Première avec un score de trois cent quarante huit. Je n'ai pas bougé de la première place depuis qu’il a commencé à utiliser cette application et c’est pour ça qu’il a voulu me connaître, m’inviter à sortir. La confession me rend très nerveuse et je ne peux m’arrêter de rire pendant un moment, il me sert un verre de vin et je suis à deux doigts de tout renverser, quelle maladroite, qui sait l’heure qu’il est, s’il y a des taxis. Ma maison est loin. Je dis « ah ». Je tripote mon portable dans la poche de mon jean.

La vie d’un mannequin n’est pas tellement agitée. Pas celle d’un mannequin aussi bizarre que lui et qui démarre à peine en tous cas. Il est engagé seulement parce qu’il est albinos, parce que c’est une espèce de freak qui a du style, qu'il est sensuel et n’a pas de ventre. Il me montre ses abdominaux et ne tarde pas à enlever tous ses vêtements. Il les jette par terre. Il monte le volume de la musique. Il baisse les stores, prend une pose. Il va très vite et je ne sais pas encore comment réagir. Il me demande si je veux le sucer. Il me la montre, elle est dure. J’avale le reste de vin et le toise de bas en haut. Bien que je sois assise, habillée, enfoncée dans le pouf en faux cuir sale et que j’ai sa bite à hauteur de la bouche, bien que je sois dans son appartement perdu dans un quartier que je ne connais pas, avec un garçon que je ne connais pas, à moitié saoule et le ventre vide, bien que j’aie vu tous ces dossiers de photos sur Facebook, celles de ses vacances au Brésil, toujours à l’ombre, et celles de ces productions de mode qu’il a faites en une petite saison de travail au Chili, bien que je lui sois offerte, qu’il pense savoir pourquoi je suis venue et qu’il prend la liberté de me proposer ce qui lui passe par la tête, je me rends compte que c'est moi qui contrôle la situation et je lui dis non. Je n’ai pas envie de te sucer, pas pour l’instant. Le mannequin albinos ne sait pas quoi faire, il ne bouge pas, n’insiste pas. La bite reste tendue, telle quelle, en attente. Désolé petite, je suis allé très vite, je n’ai pas été très clair ni très franc sur ce que je voulais. Non, rien à voir. Tu m’as seulement prise par surprise, je ne m’attendais pas à ce que ça aille si vite, ne dévoile pas tout. Attends un peu. Je te demande juste de ne pas m’appeler « petite ». Ça ne me plait pas. C’est comme si tu disais poupée. Tu comprends ? Je déteste quand les mecs disent “poupée”. Je ne sais pas si c’est du féminisme ou autre, mais je déteste ça, ça ne me plait pas du tout. Je n’ai pas dit « poupée », j’ai dit « petite ». Oui, tu as raison, j’ai fait une drôle d’association. Tu es un peu nerveuse ? Non, non. Tu m’as prise par surprise, c’est tout, je te l’ai dit. Elle ne retombe pas ? C’est-à-dire… pendant que nous parlons, je veux dire, elle reste comme ça, droite ? Oui. Ça te dérange ? Non, non, pas du tout. Ça me paraît bizarre mais c’est seulement que moi je n’en ai pas et je ne suis pas non plus une experte en la matière. Tu veux que je m’habille ? Non, c’est bon. Tu veux t’en aller? Non. Tu veux que je m’en aille ? Non, c’est bon.

Quand tu m’as invitée à sortir, à boire un verre, j’ai pensé que c’était une plaisanterie, une blague, j’ai pensé que quelqu’un avait piraté ton profil Facebook et était en train de s’amuser, que ce n’était pas toi qui m’invitais à boire un coup. Une fois, dans un cyber-café, je me suis assise à côté de deux types en train de chatter avec une fille, en se faisant passer pour son copain. Il était surement devant l’ordinateur avant eux et il a dû partir sans se déconnecter de MSN, ces petits cons se sont fait passer pour lui et lui faisaient dire n’importe quoi. Ils riaient. Pauvre gamine. J’aurais voulu les dénoncer ou un truc du genre mais je n’ai pas osé. Qu’est-ce qu’on fait dans ces cas là ?  Aucune idée. Heureusement ils se sont rendus compte que je m’en étais rendue compte et ils ont arrêté de chatter, ils sont devenus sérieux et se sont mis à regarder des vidéos. Ça m’allait. Depuis, quand il m’arrive des trucs bizarres comme ton invitation, j’imagine que quelqu’un qui n’est pas le propriétaire du compte pourrait être en train de l’utiliser. Tu comprends ? Je réfléchis alors à qui ça peut être. Dans ton cas j’ai pensé que ça pouvait être mon amie Inès, qui est très blagueuse et te connait parce qu’elle est maquilleuse, elle t’a maquillé plein de fois. Tu vois qui c’est ? La brunette. Je lui demande toujours des nouvelles de toi. C’est elle qui m’a appris ton nom et que tu n’étais plus avec ta copine, que tu étais déjà de retour du Chili et que ça avait très bien marché. En tout cas je me suis tout de suite rendue compte que ça ne pouvait pas être elle parce qu’elle n’est pas non plus du genre à faire ce type de blagues et elle ne va jamais dans les cyber-cafés et… désolée, je raconte n’importe quoi.

Il se rend compte qu’il est trop près et s’écarte, s’assoit dans un fauteuil, à côté de moi. Nous regardons tous les deux le mur sans parler, nous pouvons entendre les mouches voler, nous cherchons une solution pour que cet imprévu ne se termine pas en anecdote pathétique à raconter à nos amis le week-end prochain, comment sauver la situation, dans une tentative désespérée. Nous essayons de comprendre qu’elle a été notre erreur, le timing, les codes, les attentes, les expériences et la difficulté d’être spontané à notre âge, dans cette ville, dans ce petit cercle de personnes, si serré et si étroit, dans lequel nous habitons tous les uns à côté des autres en nous voyant tout le temps et l’horrible perspective d’avoir une mauvaise expérience sexuelle avec quelqu’un que l’on reverrait sans cesse, partout, avec des amis communs qui sauraient ce qui s’est passé cette nuit qui n’est ni terminée ni commencée, ce qui s’est passé avant, comment on en est arrivé là, dans son appartement, dieu sait où, qui sauraient qu’il m’a envoyé un message sur Facebook parce que j’étais la psychotique qui entrait constamment sur son profil, pour voir ses photos. Oui, tout le monde le saurait et ça m’énerve de penser à ces personnes que je n’intéresse sûrement pas beaucoup plus. Je ne sais pas ce que lui pense exactement, mais ce doit être quelque chose comme ça, quelque chose de semblable. Je ne sais pas si je dois lui dire. Il demande si je veux fumer un joint.

Le joint avec le vin je n’aime pas trop. Encore du vin oui, bien sûr. Un autre verre. Je fais un effort ridicule pour m’extraire du pouf, me lever, arranger mes vêtements, aller jusqu’à la bouteille de vin. Je soupire. On commence à entendre une chanson connue. La musique est en mode aléatoire. Je m’approche avec deux verres de vins et je me rends compte que sa bite est toujours dure. J’imagine que, peut-être, il a pris quelque chose, du Viagra, un truc comme ça. Je ne sais pas si on peut mélanger le Viagra et l’alcool, je suppose que non mais j’ai honte de lui demander. En plus, il doit déjà le savoir, c'est un grand garçon. Ca ne me regarde pas.  Je n’ai pas de raisons de gérer ce type d’information. Je décide de m’asseoir sur ses genoux. Je sais que c’est une attitude complètement nulle mais je ne veux pas retourner dans le pouf et il reste seulement son fauteuil. Je fais la petite fille effrontée, je m’arrange les cheveux, je me mets en soutien-gorge. Je n’aurais jamais pensé me retrouver dans cette situation, sur ces genoux, à lui donner son vin comme à un bébé. La blancheur absorbe les couleurs, ses lèvres se tâchent de raisin. Je lui pose une question sur sa peau et je la caresse. Il me demande ce que j’aimais regarder dans ses photos et je lui raconte, petit à petit, en le caressant. La nuque, les oreilles, les aisselles, le dos, la fois où le short lui tombait après un plongeon à Florianopolis, où la toile blanche moulait ses fesses et la bouche, surtout la bouche, sa bouche qui me plait tant, la bouche qui mâchait ce chewing-gum vert et me faisait mourir de désir, sa bouche au premier plan, que je ne peux m’empêcher de regarder et d’embrasser, délicieuse, matelassée. En parler m'excite, nommer son corps, le montrer, je veux faire l'amour ici, maintenant, et nous le faisons. Je lui fais. Je ne le suce pas, à aucun moment. Je sens que c’est moi qui le baise, qu'il est là, avec sa bite dure, sans bouger, assis dans le fauteuil, qu'il se laisse baiser.  Je monte et descends, j’embrasse ce qui me plait chez lui, ce que je désirais quand je regardais ses photos, ce que j'avais pressenti et fantasmé. Il propose une autre position, d'aller dans le lit, de la tranquillité, un autre verre de vin, mais je ne veux pas. Je veux qu’il ne fasse pas chier, qu’il reste assis comme ça et qu’il ne parle pas, qu’il ne me touche pas, qu’il me laisse dominer, m’abandonner, lui mordre cette peau pâlichonne, lui planter les ongles dans le dos pendant que je me la mets de plus en plus profond et je veux crier et je crie et je ne peux pas le caresser, seulement lui attraper les cheveux, les agripper, lui faire mal, il me rend folle, j’halète et d’un coup, je ne sais pas pourquoi, sans me retenir, je le gifle. 

T’es complètement folle ! Je m’habille, je m’en vais, je ne le vois plus pendant quelques mois, jusqu’à ce qu’arrive l’été. Il fait chaud et pendant les pauses, quand il n’y a pas de clients au restaurant, je vais à la fenêtre pour fumer une cigarette et souffler la fumée à l'extérieur. Travailler autant pendant la haute-saison m’apaise, contrairement à ce que l’on pourrait penser, à ce que l'on peut entendre par ici. En face du restaurant il y a l’océan, les touristes qui vont et viennent comme des tortues, comme s'ils avaient tout le temps du monde, qui croient que le temps ne finit jamais. C’est pour ça qu’ils donnent de si bons pourboires. Je tire des bouffées bruyantes et relâche des soupirs de fumée qui retombent dans le vent salé comme des ronflements. Je regarde les enfants avec leur mère qui font des châteaux de sable, remplissent des petits seaux de plastique d’eau sale, petits escargots. Sous un parasol il y a le mannequin albinos avec sa copine, celle qu’il avait quittée pendant son voyage au Chili, celle qui apparaissait sur ses photos de Florianopolis en train de boire de l’eau de coco et de faire tout ce que l'on attend d'un touriste. La fille aux cheveux châtains, commune et banale. Elle le barbouille de crème solaire, couche après couche, lui arrange son petit chapeau et ses lunettes noires avec des gestes de mère experte en soins infantiles, en petits châteaux de sable. Quelque chose dans tout ça me dit qu’ils sont heureux, qu’ils ont de la route à faire, qu’ils ont maintenant une vie commune. C’est une aura éblouissante pour les gens comme moi qui n'y croient pas, alors je fume de plus belle et je me dis que je devrais peut-être prendre un chewing-gum, que ce serait moins mauvais pour ma santé. Je me remémore son chewing-gum vert et réalise qu'il a perdu sa dimension érotique. C’est un détail que mon cerveau a effacé, quelque chose de confus, de bizarre. 

Quand le soleil se couche et que le vent semble souffler plus vite et plus fort, le petit couple ferme son parasol, range tapis de plage et autres cochonneries dans un sac aux motifs fleuris et retourne dans  la maison de vacances louée pour l'été. Il sait que je suis là, que je travaille ici et que la vue du restaurant est imprenable, mais ils s’arrangent pour ne pas y manger. Ils passent leur chemin, quelquefois main dans la main. Moi, je termine ma cigarette, je jette ce qu'il en reste et les regarde s’éloigner en pensant, pauvre de moi, pathétique, qu'il se retournera peut-être, mais il ne le fait pas. Je sers des bières, je passe des chiffons humides sur les tables, les jours passent et ça ne me fait plus bizarre de les voir chaque après-midi au même endroit sur le sable. Est-ce son idée à lui ou à elle de venir ici ? Reviendront-ils l’année prochaine et les suivantes ? Amèneront-ils leurs enfants ? Je sors danser sans les croiser. Ce n’est pas qu’il me fuit, qu’il ne veut pas me voir. Je pourrais aller sur sa page Facebook si je le voulais mais j’y réfléchis deux, ou trois, ou quatre, ou cinq fois avant de le faire. Et puis non, il ne vaut mieux pas.  Il est déjà dans d’autres histoires, dans ces vies que j’ai toujours détestées, plus encore que la ville où je vis quand ce n’est pas l’été, que ceux qui vivent dans le quartier, ceux que je vois toujours. Il est avec son parasol et sa femme. Car elle, ce n’est pas une poupée, ni une petite. Je le sais. Je m'en rends compte. Je le perçois, bien que je ne sois pas allé sur son Facebook, que je ne le voie plus dans des publicités et que je ne le croise plus quand je vais danser. Je sais parfaitement le genre de vie qu’il mène et je sais qu’elle n’est pas meilleure que la mienne. C’est un autre chewing-gum qui tourne, se retourne et se décolore, et perd sa saveur. Bien sûr, c’est ça, bien sûr. C’est un rêve et je ne me suis jamais rendu compte que j’étais en train de rêver. Depuis que j’ai quitté sa maison, honteuse après mon excès de luxure, une partie de moi rêvait d’être avec lui. C’est inconscient, quelque chose…  je ne sais pas, je ne vais pas voir de psychologue, je ne me rends pas bien compte, mais c’est un truc… comme si je te disais qu’il y a deux personnes en moi et que l’une d’elles a toujours rêvé de lui. Ce n’est pas que je sois amoureuse de lui. C’est quelque chose qui y ressemble. Comme si j'avais une double personnalité dont je n'écouterais que la moitié. Maintenant c’est bon, il a changé de vie, le temps a passé. Quoi ? L’inviter à sortir et lui raconter qu’il y a deux personnes en moi et que l’une d’elles est en quelque sorte amoureuse de lui ? Il m’a déjà dit une fois que j’étais folle. Je n’ai pas besoin qu’il me le répète. Ce dont j’ai besoin c’est de sentir encore ce charme, cette fascination que j’ai éprouvée quand il m’a invitée à sortir, quand il mâchait son chewing-gum de façon si malicieuse, quand il me montrait sa bouche grassouillette et que je rougissais, même si l'érotisme de ce souvenir s'est déjà estompé. Parce que je n’ai jamais vu quelqu’un mastiquer si délicieusement, quelqu’un d’aussi attirant, quelqu’un qui puisse m’emmener n’importe où, comme folle, en me disant « allons-y », qui me déchaine et me fasse perdre la raison. Je n’ai jamais vu personne comme ça. Non. Nulle part. 




[1] L’auteur utilise le terme de « séguidilla » qui est une danse d’origine andalouse, rythmée et aux pas très variés. (NdT)

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